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15 janvier 2011

La conciliation travail-famille-études

INTRODUCTION

Le présent avis a été rédigé à partir des informations contenues dans la recherche menée par le CCJ en 2010 [1]. Considérant les transformations du marché du travail et ses perspectives, la conciliation du travail et de la famille, et parfois même des études, est devenue une problématique de taille et représente un défi majeur pour le marché du travail et la société. Le désir de renouer avec une harmonie familiale est fort chez les jeunes, mais il reste que les différentes sphères de la vie sont aujourd’hui définitivement décloisonnées et en totale interférence. La course après le temps est centrale à une époque qui exige rapidité, performance et flexibilité. L’obligation de devoir assumer plusieurs rôles en même temps est devenue une norme sociale.

Des enfants carencés, des parents épuisés, le lien entre les conséquences de la forte sollicitation professionnelle ou académique des jeunes parents et la qualité de vie et de développement des jeunes enfants mériteraient une plus grande attention des décideurs. Car il faut y voir les symptômes d’une génération de parents qui veut bien, mais peut de moins en moins. Il faut aussi y voir le terreau du genre de conflits et de tensions dont se nourrissent les crises et les séparations.

Si le gouvernement du Québec s’est évertué à mettre en œuvre des politiques familiales, certes performantes, il a négligé depuis une décennie l’enjeu de la conciliation travail-famille-études, surtout pour les jeunes parents, qu’ils soient travailleurs ou étudiants.

Le CCJ souhaite donc ramener l’importance de la mise en œuvre d’une politique gouvernementale de conciliation travail-famille-études qui tienne compte (non pas comme le projet de 2004) des jeunes parents et des réalités complexes qu’ils vivent en tant que travailleur et/ou étudiant, cela afin de soutenir l’emploi, l’innovation dans les pratiques de travail et les milieux professionnels, et d’accompagner la politique familiale du Québec.

RECOMMANDATIONS

Il se dégage de l’ensemble des interventions québécoises en matière de conciliation travail-famille-études une constante claire : l’activité productive, le travail ou l’étude, doit primer sur toute autre considération. L’objectif premier ici n’est pas la justice sociale ou une quelconque vision humaniste, mais bien le maintien de la capacité productive de la ressource humaine. Le MESS, entre autres, affirme cet objectif, notamment dans son énoncé de mission ou dans les objectifs de son plan stratégique (MESS, 2008). De même, « Dans cette perspective, des chercheurs concluent qu’un certain nombre de dispositions de la politique familiale québécoise seraient d’abord conçues et réfléchies, à l’instar du processus d’implantation de plusieurs mesures d’aide organisationnelle […] en postulant la primauté du travail et de la rentabilité financière sur la famille (B.-Dandurand et al., 2001 ; Dulac, 1998). » (Pleau, 2003). Il conviendrait certainement de questionner la propension des groupes concernés (jeunes travailleurs et étudiants) à demander que les services offerts soient, eux aussi, assujettis au travail ou à l’étude. L’exemple des services de garderie que l’on voudrait adapter aux travailleurs à horaires atypiques est à cet égard révélateur : « En ce sens, il semble que les acteurs politiques et les décideurs en matière d’interventions familiales procèdent actuellement davantage au modelage de la famille au travail plutôt que l’inverse, et ce, dans une logique sociétale économiciste qui, de toute évidence, laisse de moins en moins de place à l’univers familial ainsi qu’à tout irritant. En d’autres termes, l’objectif de la politique familiale québécoise semble clair : servir les intérêts économiques et le monde du travail » (Pleau, 2003). Néanmoins, hors de tout parti-pris idéologique, il est impossible de nier que la réalité des jeunes travailleurs est souvent constituée de travail atypique et d’horaires non usuels ; en ce sens, l’adaptation des services qui leur sont offerts peut certainement contribuer à l’amélioration de la conciliation travail-études-famille.

Finalement, le retour et le maintien au travail sont les objectifs fondamentaux de l’ensemble des mesures de conciliation au Québec. Ces mesures sont certainement efficaces, ainsi qu’en témoigne, entre autres, l’augmentation du taux d’activité des femmes avec enfants, mais il faut néanmoins se questionner sur la qualité de vie qui en résulte.

Recommandation 1

Que le gouvernement encourage et étudie la recherche d’innovations dans le domaine de la conciliation travail-famille-études du côté des milieux professionnels et académiques.

Que le gouvernement procède à la consultation des bénéficiaires, des institutions et des entreprises aux fins de la mise en œuvre d’une véritable politique de conciliation travail-famille-études axée sur les besoins des jeunes.

Que le gouvernement du Québec, par l’entremise du Secrétariat à la jeunesse, implante une table interministérielle (MESS, MFA, MELS, MT) visant le développement de mesures destinées aux jeunes étudiants et/ou travailleurs en situation de conciliation travail-famille-études.

Que le gouvernement du Québec mette sur pied une table intersectorielle (établissements, entreprises, syndicats) pour discuter spécifiquement de la conciliation travail-famille-études sous l’angle des jeunes avec des représentants des différents ministères concernés.

Le réseau des services de garde et de centres à la petite enfance est une grande réalisation québécoise, inégalée au niveau continental. Malheureusement, des problèmes d’accès demeurent et sont criants. Les tracas que subissent les parents pour accéder à une place en centre de la petite enfance se situent essentiellement au niveau du nombre de places et de l’accessibilité géographique de celles-ci. Or, le dernier budget provincial ne contient pas de nouvelles sommes à même de remplir la promesse gouvernementale d’autoriser 15 000 nouvelles places. Il semble donc que le développement du réseau de CPE et de garderies subventionnées devra s’interrompre à partir de 2011. Or, si l’on mesure mal l’ampleur réelle des besoins, il est évident que ceux-ci sont très loin d’être comblés. Ainsi, l’augmentation du nombre de naissances des dernières années ne pourra qu’amplifier cette divergence entre l’offre de services et les besoins des jeunes familles.

L’offre de services de garde éducatifs devrait également tenir compte du caractère atypique du travail de plus en plus de jeunes. Les horaires variables et les statuts particuliers de certains jeunes travailleurs (comme ceux à contrat et les travailleurs autonomes) ne correspondent pas toujours aux principes établis pour les CPE.
Or, l’examen du dernier portrait du réseau des CPE et des services de garde révèle qu’une très faible minorité d’établissements sont en mesure de répondre aux besoins des jeunes travailleurs atypiques.

Le MFA devrait donc prendre en compte davantage la réalité des jeunes et encourager le développement de services adaptés, notamment en modifiant la grille de classement utilisée pour l’octroi de permis de services de garde, et en considérant davantage la situation des parents-étudiants. Pour faire face à ce constat, le Ministère de la Famille et des Aînés reconnaît déjà l’existence des haltes-garderies, qui offrent des services atypiques. De tels services correspondent beaucoup mieux aux horaires atypiques de milliers de jeunes travailleurs et d’étudiants. Toutefois, cette question ne doit pas être dissociée de ce qui rend nécessaire cette forme de garde, c’est-à-dire l’atypisme grandissant du travail et les pressions que cela implique sur les individus et les ressources.

Recommandation 2

Que le Ministère de la Famille et des Aînés favorise la création de services de garde et de haltes-garderies adaptés aux besoins des jeunes travailleurs et étudiants.

Le ministère du Travail (MTQ) est essentiellement concerné par la conciliation travail-études-famille par sa responsabilité en matière de convention collective et de celles qui découlent de la Loi sur les normes du travail (LNT).

Le MTQ exerce son rôle de vigie par l’obligation faite aux employeurs de déposer leur convention collective auprès du ministère pour que celle-ci soit effective (art. 72 du Code du travail). Il semblerait, à l’examen de ces données du portrait statistique des conventions collectives, que la conciliation travail-famille-études soit pour le moins singulièrement ignorée lors des négociations de conventions collectives. Comme il est essentiellement question ici d’entreprises de plus de 50 employés, syndiquées, qui devraient être les premières à offrir ce type de mesures, on peut imaginer que la situation est encore moins favorable dans les entreprises en général. Pire encore, si l’on compare les données de 2009 avec leurs équivalentes issues du portrait de 2003, on constate que la proportion d’entreprises offrant des mesures facilitant la conciliation travail-famille est au mieux égal et souvent plus faible. L’étude de 2009 est fondée sur l’étude de 1 630 conventions collectives, assujettissant près de 174 000 salariés, un échantillon représentant près de 85 % des conventions collectives conclues en vertu du Code du travail et déposées au MTQ au cours de l’année de référence (MTQ, 2009). On y lit entre autres que sur les 1 630 conventions analysées :

  • Seulement 8 faisaient mention de l’existence d’un comité conjoint traitant de CTF
  • Seulement 7 faisaient explicitement mention de l’existence d’une politique visant la mise sur pied d’un programme de CTF
  • Aucune de ces 7 n’offrait de précisions sur la responsabilité de ce programme.

Dans les conventions collectives, la CTF constitue donc très rarement une thématique particulière et la solution aux problèmes soulevés par la CTF y revêt donc rarement un caractère unique. En effet, c’est plutôt en tenant compte d’un éventail de dispositions qui poursuivent souvent plus d’un objectif que la problématique de la CTF peut être appréhendée et que des éléments de réponse peuvent être graduellement apportés et, par la suite mis en œuvre.

Il est de plus évident que la toute amélioration de l’offre de mesures actuelle du ministère du Travail devrait débuter par une adaptation des normes du travail aux nouvelles réalités socio-économiques du Québec. Au Québec, près de 6 personnes sur 10 ne sont pas syndiquées et dépendent donc essentiellement de la Loi sur les normes du travail (LNT) pour fixer leurs conditions de travail. En général, la syndicalisation est reconnue comme étant le meilleur véhicule pour obtenir de meilleures conditions de conciliation. Or, en ce qui a trait aux travailleurs non syndiqués, la LNT facilite très peu la conciliation de la vie familiale avec le travail.

Au-delà des congés qui permettent au travailleur de se rapprocher de son environnement familial, l’autre élément de la LNT à être pointé du doigt est un manquement dans la prévisibilité des horaires qui donnerait un délai raisonnable aux parents pour organiser leur horaire en conséquence. Par ailleurs, les horaires de travail imposés par les employeurs pourraient dans plusieurs cas être mieux adaptés à la réalité des jeunes parents. En effet, plusieurs types de travail nécessitent l’accomplissement d’un certain nombre d’heures par semaines qui est généralement réparti sur une semaine de cinq jours. Il serait intéressant que les nouveaux parents puissent opter pour une répartition alternative de leurs tâches sur une semaine de quatre jours. Dans la même optique, la possibilité d’effectuer un retour progressif au travail suivant la naissance ou l’adoption d’un enfant devrait être envisagée.

Somme toute, il faut retenir que les politiques et les pratiques régissant le temps de travail ont une incidence sur l’égalité entre les sexes et qu’à ce titre une LNT améliorée et revue, permettrait une plus grande équité dans le partage des responsabilités familiales en plus de profiter aux personnes non syndiquées. Ces constats ne sont pas nouveaux et se retrouvent également dans le Rapport sur les besoins de protection sociale des personnes en situation de travail non traditionnelle (rapport Bernier), déposé en 2003 et dont les recommandations furent malheureusement ignorées par le gouvernement (MTQ, 2003). Le CCJ avait d’ailleurs déjà souligné à plusieurs reprises l’importance d’appliquer les recommandations de ce rapport.

Tout changement dans le statut d’emploi s’accompagne souvent d’exclusions ou à tout le moins, de grandes disparités de traitements dans les conditions de travail et les régimes de protection fondées sur le statut d’emploi, que l’on pense par exemple au mode d’indemnisation des congés ou des absences ou à l’octroi de certains avantages liés à une exigence de durée de service continu. Du côté des travailleurs autonomes, les besoins se situent surtout au plan des mesures de protection du revenu en cas de chômage, de congés parentaux et de maternité, de vacances annuelles.

En effet, nos principales lois du travail ayant été conçues et élaborées pour répondre aux besoins et aux attentes des personnes qui se trouvent dans une situation de salariat de type classique. Le Rapport Bernier a eu tôt fait de constater qu’un effort législatif important serait nécessaire pour adapter nos divers régimes de telle sorte qu’ils puissent répondre adéquatement aux attentes des travailleurs atypiques dont on sait qu’ils constituent une part non négligeable de la main-d’œuvre active, soit plus du tiers, et qu’ils sont là pour rester (MTQ, 2003). Bien qu’il existe dans certaines lois quelques dispositions visant à tenir compte de la situation particulière de certains salariés atypiques, on observe qu’il subsiste encore de nombreux écarts dans les niveaux de protection dont bénéficient les travailleurs en situation non traditionnelle et les salariés classiques.

Discuter de conciliation travail-études-famille à notre époque, c’est donc indirectement se soucier des conditions de travail atypiques et de la nécessité d’assurer une plus grande accessibilité aux lois de travail et à une meilleure protection sociale. En effet, la notion même de conciliation travail-études-famille sous-tend la recherche d’une flexibilité en échange de laquelle parfois, le jeune parent ira jusqu’à troquer son filet social ou ses avantages sociaux en optant pour un statut d’emploi précaire, faute de meilleur accommodement possible.

Recommandation 3

Que le ministère du Travail modifie la Loi sur les normes du travail (LNT) afin d’y inclure des éléments favorisant les aménagements du temps de travail, notamment les recommandations suivantes du rapport Bernier [2] :

Que le salarié ait le droit de refuser de travailler pour les heures supplémentaires qui excèdent de manière importante ses heures habituelles de travail [3].

Que les conditions de service continu permettant d’accéder aux jours fériés [4] ou à la rémunération des deux premières journées d’absence à l’occasion de la naissance ou de l’adoption d’un enfant soient supprimées.

Que le droit de refus de travailler au-delà de ses heures habituelles de travail soit reconnu à une personne, cumulant plus d’un emploi dont aucun n’est à plein temps pour une durée indéterminée, en raison d’un conflit avec son autre horaire de travail.

Que la Loi sur la santé et la sécurité du travail soit modifiée de façon à ce que les travailleuses autonomes puissent se prévaloir des dispositions relatives au retrait préventif de la travailleuse enceinte sans égard au fait qu’elles soient incorporées ou non.

L’implantation des mesures de conciliation de la vie personnelle et familiale avec la vie au travail implique un changement dans les mentalités et dans les pratiques organisationnelles. Avec la montée de l’emploi atypique chez les jeunes et l’accroissement du nombre de groupes sous-représentés comme les travailleurs autonomes, sur appel, travailleurs-étudiants, etc., les divergences de réalités dans les conditions de travail ne manquent pas. Il n’est donc pas étonnant que la vaste majorité des mesures de conciliation travail-famille en place dans les organisations soient de natures informelles.

Le Conseil de la famille et de l’enfance, dans un avis publié en 2003, notait que la réticence envers les mesures informelles – soumises à l’arbitraire – et les mesures formelles, plus justes, était, dans l’ensemble, artificielle puisque la coexistence et l’articulation des deux types de mesures, dans les entreprises étudiées, apparaissaient plutôt incontournables.

La valorisation du changement et de l’innovation en matière de conciliation travail-famille-études est donc nécessaire. Pour ce faire, l’encouragement gouvernemental sous toutes ses formes semble incontournable afin de stimuler et faire durer les initiatives du monde privé. L’entreprise privée, loin d’être foncièrement opposée à la conciliation travail-famille ou études-famille, est plutôt en recherche de solutions pratiques et applicables. En ce sens, le soutien gouvernemental aux projets-pilotes issus de l’entreprise ou d’actions conjointes avec Emploi-Québec par exemple, apparaît tout à fait nécessaire. Celle-ci pourrait d’ailleurs s’accompagner d’un programme plus élaboré de recension des bonnes pratiques et de reconnaissance de celles-ci, à l’image des prix Conciliation travail-famille du MFA. Plusieurs écrits gouvernementaux s’attardent à référencer les meilleures pratiques en matière de conciliation travail-études-famille. Considérant l’éventail de typologies existantes pour classer les mesures de conciliation travail-famille-études , la recension gouvernementale a comme principal avantage qu’elle peut servir d’étalonnage concurrentiel et de référentiel.

L’Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés du Québec (ORHRI), s’il témoigne d’une forte augmentation des problèmes organisationnels liés à la conciliation travail-famille-études , valorise la mise en œuvre de « démarches gagnantes ». Ce n’est donc pas un hasard si les chambres de commerce ou le Conseil du patronat, affirment désormais qu’il est nécessaire de favoriser des mesures de conciliation en entreprise (incluant des réductions de la charge de travail), prétextant que retards, démotivation et absentéisme ont également un coût pour l’entreprise. Il reste que, pour ces derniers, l’État devrait agir comme accompagnateur plutôt que législateur.

Il n’en demeure pas moins que la connaissance de l’existence de ces démarches gagnantes est conditionnelle à leur application. C’est pourquoi la mise en œuvre d’un programme de sensibilisation est le complément indispensable de la recension des bonnes pratiques. Le Comité aviseur-femmes d’Emploi-Québec recommande aussi d’appuyer la sensibilisation auprès des entreprises : « En général, dans les milieux de travail encore majoritairement masculins, la norme veut que l’on continue de présumer que les personnes salariées laissent leurs obligations familiales à la porte d’entrée de l’entreprise. […] Emploi-Québec met un coffre à outils à la disposition des employeurs et nous recommandons fortement à cet effet que des outils de sensibilisation en matière de conciliation ainsi que des modèles de nouvelles pratiques organisationnelles soient intégrés à ce coffre à outils. » (CAF, 2008).

Recommandation 4

Que la CPMT demande au Ministère de l’Emploi et de la Solidarité Sociale de produire, annuellement, une recension des bonnes pratiques en matière de conciliation travail-famille-études en entreprise.

Recommandation 5

Que la CPMT demande au Ministère de l’Emploi et de la Solidarité Sociale de mettre en œuvre un programme de sensibilisation destiné aux secteurs et milieux de travail, soulignant notamment : l’importance de se doter de politique de conciliation travail-famille-études ; la nécessité de bien permettre à tous les employés, homme ou femme, de s’en prévaloir ; et valorisant les avantages concurrentiels que cela procure sur le plan de la productivité ou du recrutement de la relève.

Il est à noter que l’offre de programmes et services du MESS aux individus se concentre uniquement sur le soutien financier aux familles et individus, essentiellement par le RQAP. Concernant ce programme, étant donné la relative nouveauté de son implantation, la principale, sinon la seule critique provient des groupes exclus, notamment les étudiants bénéficiaires de bourses d’études. En effet, les revenus des étudiants se composent non seulement de revenus d’emploi, mais aussi de montants versés dans le cadre du programme d’Aide financière du gouvernement du Québec, de bourses institutionnelles ou de bourses de recherche des organismes subventionnaires fédéraux et provinciaux. Par conséquent, il serait pertinent que ces revenus soient considérés aux fins du calcul de l’aide versée. Or, pour les étudiants dont la principale source de revenus est l’aide financière aux études ou une bourse d’un organisme subventionnaire, se pose la délicate question de la définition du revenu au sens de la loi sur les impôts, car, au Québec, les bourses des étudiants ne sont pas imposables. Or, l’ajout d’une couverture pour les étudiants-parents, le tout sans cotisation de leur part, ne représenterait qu’un coût infime pour le RQAP, soit à peine 2,7 millions de dollars, sur 1,5 milliards de prestations versées annuellement pour une couverture semblable à celle offerte aux travailleurs québécois. La pertinence du besoin ne devrait donc pas se buter plus longtemps à l’argument légal, qui justifie que les revenus étudiants soient exclus du RQAP.

Recommandation 6

Que la CPMT recommande au MESS de veiller à ce que tout travailleur, qu’il soit étudiant ou non, puisse bénéficier pleinement de l’assurance-salaire offerte par le Régime québécois d’assurance parentale, notamment en considérant tous les revenus dans le calcul des prestations offertes aux parents-étudiants aux fins du RQAP ou d’un programme équivalent.

La norme P 9700-820-8 est un projet du Bureau de normalisation du Québec (BNQ) qui vise à spécifier les exigences en matière de bonnes pratiques de CTF dans le respect des caractéristiques et des réalités des organisations et de leurs employés (BNQ, 2009). Elle vise ainsi à ce que la CTF fasse partie intégrante de la gestion des ressources humaines des organisations. La présente norme s’appliquerait aux organisations désireuses de mettre en œuvre et de maintenir des mesures et des pratiques de CTF qui demeurent en adéquation avec les besoins exprimés à la fois par les travailleurs et les organisations.

Découlant pour l’essentiel de la politique dévoilée en décembre 2006 Pour que l’égalité de droit devienne une égalité de fait, l’objectif de la norme en devenir a pour but d’encourager les milieux de travail à instaurer des mesures de CTF et de reconnaître les meilleures pratiques en la matière. Le BNQ la décrit en ces termes : « Afin de guider les actions des organisations désireuses de s’engager sur la voie d’une meilleure CTF, la présente norme se fonde sur cinq principes. Tout d’abord, l’organisation doit exprimer son engagement de manière formelle et en second lieu, cet engagement doit faire en sorte de favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes. Par ailleurs, la communication à l’endroit du personnel combinée au fait de travailler avec l’aide d’un comité constituent deux autres principes à respecter, principes qui sont aussi en fait, des conditions de succès. Enfin, un dernier principe moteur tient au fait de la désignation d’une personne responsable dans chaque organisation pour des fins d’évaluation. » (BNQ, 2009).

Le projet de norme, actuellement en cours d’élaboration au Bureau de normalisation du Québec avec une collaboration patronale-syndicale et la participation de groupes issus de la société civile, apparaît donc fondamental à l’implantation plus étendue de mesures de conciliation dans les entreprises privées. Cette norme, dont la complétion est prévue pour l’année 2010, permettra d’offrir aux entreprises une démarche vers une meilleure conciliation et une reconnaissance des efforts consentis.

Recommandation 7

Que la CPMT demande au Ministère de l’Emploi et de la Solidarité Sociale de publiciser et encourager le recours à la norme du Bureau de normalisation du Québec auprès d’un large bassin d’entreprise.

CONCLUSION

Les jeunes parents ont besoin de programmes gouvernementaux à géométrie variable qui tiennent compte de l’hétérogénéité de leurs statuts de travailleur ou d’étudiant. Les jeunes ont également besoin que les entreprises, les institutions, les collectivités et les organismes gouvernementaux comprennent leurs besoins de parents. Si la jeunesse souhaite renouer avec la stabilité et l’épanouissement familial, la société québécoise dans son entièreté doit suivre par plus de reconnaissance, de valorisation, mais surtout, plus de temps laissé à la vie familiale.
Le Québec assiste à un retour du balancier où la carrière ne se substitue plus à la famille. De surcroît, le projet familial n’est plus vu par les jeunes comme le deuil de la liberté, de l’insouciance ou de la féminité. Autant de clichés révolus qui ont peut-être eu la peau dure pendant près de trois décennies. Mais la donne a changé. Le défi tient à encourager durablement, à la grandeur de toute la société québécoise, cette inversion de tendance des plus profitables pour la pérennité de notre société.

Le gouvernement québécois a donc une lourde responsabilité envers les jeunes citoyens, dont il a besoin pour faire face aux exigences de la société du savoir, à la rude concurrence due à la mondialisation et à une situation démographique inquiétante.

Il est certes évident que le MESS se présente d’abord comme un facilitateur, un agent d’incitation plutôt que d’obligation. Cette conception du rôle de l’État peut s’appliquer à l’ensemble des mesures, quand il y en a, particulières à la problématique de la conciliation travail-études-famille. Jamais le ministère ne fait usage de sa capacité d’imposer aux entreprises, aux milieux d’enseignement ou aux municipalités l’implantation de mesures de conciliation travail-famille-études . Pourtant, en vertu de sa loi constitutive et vu les conséquences des difficultés de la conciliation sur la participation des personnes au marché du travail, le MESS devrait considérer d’utiliser la voie légale en complément de son rôle de facilitateur, puisqu’il semble qu’après de nombreuses années, la conciliation demeure difficile et source de retrait du marché du travail.

RÉCAPITULATIF DES RECOMMANDATIONS

Recommandation 1

Que le gouvernement encourage et étudie la recherche d’innovations dans le domaine de la conciliation travail-famille-études du côté des milieux professionnels et académiques.

Que le gouvernement procède à la consultation des bénéficiaires, des institutions et des entreprises aux fins de la mise en œuvre d’une véritable politique de conciliation travail-famille-études axée sur les besoins des jeunes.

Que le gouvernement du Québec, par l’entremise du Secrétariat à la jeunesse, implante une table interministérielle (MESS, MFA, MELS, MT) visant le développement de mesures destinées aux jeunes étudiants et/ou travailleurs en situation de conciliation travail-famille-études.

Que le gouvernement du Québec mette sur pied une table intersectorielle (établissements, entreprises, syndicats) pour discuter spécifiquement de la conciliation travail-famille-études sous l’angle des jeunes avec des représentants des différents ministères concernés.

Recommandation 2

Que le Ministère de la Famille et des Aînés favorise la création de services de garde et de haltes-garderies adaptés aux besoins des jeunes travailleurs et étudiants.

Recommandation 3

Que le ministère du Travail modifie la Loi sur les normes du travail (LNT) afin d’y inclure des éléments favorisant les aménagements du temps de travail, notamment les recommandations suivantes du rapport Bernier :

Que le salarié ait le droit de refuser de travailler pour les heures supplémentaires qui excèdent de manière importante ses heures habituelles de travail .

Que les conditions de service continu permettant d’accéder aux jours fériés ou à la rémunération des deux premières journées d’absence à l’occasion de la naissance ou de l’adoption d’un enfant soient supprimées.

Que le droit de refus de travailler au-delà de ses heures habituelles de travail soit reconnu à une personne, cumulant plus d’un emploi dont aucun n’est à plein temps pour une durée indéterminée, en raison d’un conflit avec son autre horaire de travail.

Que la Loi sur la santé et la sécurité du travail soit modifiée de façon à ce que les travailleuses autonomes puissent se prévaloir des dispositions relatives au retrait préventif de la travailleuse enceinte sans égard au fait qu’elles soient incorporées ou non.

Recommandation 4

Que la CPMT demande au Ministère de l’Emploi et de la Solidarité Sociale de produire, annuellement, une recension des bonnes pratiques en matière de conciliation travail-famille-études en entreprise.

Recommandation 5

Que la CPMT demande au Ministère de l’Emploi et de la Solidarité Sociale de mettre en œuvre un programme de sensibilisation destiné aux secteurs et milieux de travail, soulignant notamment : l’importance de se doter de politique de conciliation ; la nécessité de bien permettre à tous les employés, homme ou femme, de s’en prévaloir ; et valorisant les avantages concurrentiels que cela procure sur le plan de la productivité ou du recrutement de la relève.

Recommandation 6

Que la CPMT recommande au MESS de veiller à ce que tout travailleur, qu’il soit étudiant ou non, puisse bénéficier pleinement de l’assurance-salaire offerte par le Régime québécois d’assurance parentale, notamment en considérant tous les revenus dans le calcul des prestations offertes aux parents-étudiants aux fins du RQAP ou d’un programme équivalent.

Recommandation 7

Que la CPMT demande au Ministère de l’Emploi et de la Solidarité Sociale de publiciser et encourager le recours à la norme du Bureau de normalisation du Québec auprès d’un large bassin d’entreprise.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ET RESSOURCES DOCUMENTAIRES

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STATISTIQUE CANADA. 2005. Les jeunes et le marché du travail. Ottawa : Statistique Canada, 11 p.

[1Comité consultatif jeunes. 2010. La conciliation travail-famille-études chez les jeunes. Benjamin Laplatte, Frédéric Lalande. 119 p.

[2Recommandations 14, 19, 28 et 51 du Rapport Bernier

[3Le projet de loi no 143 (2002, c. 80), art. 17, insérant un nouvel article 59.0.1 à la Loi sur les normes du travail, répond à ce problème en balisant l’obligation des salariés de travailler au-delà de leurs heures habituelles de travail. Il introduit un droit de refuser de travailler : plus de quatre heures au-delà des heures habituelles de travail ou plus de quatorze heures par période de vingt-quatre heures, selon la période la plus courte ; ou, pour le salarié dont les heures quotidiennes de travail sont variables ou effectuées de manière non continue, plus de douze heures de travail par période de vingt-quatre heures ; ou, au-delà de 50 heures par semaine. Précité, art. 17.

[4 Le projet de loi n 143 (2002, c. 80) contient un amendement de cette nature. Précité, art. 21 modifiant l’article 65 de la Loi sur les normes du travail.

Extrait

Le présent avis a été rédigé à partir des informations contenues dans la recherche menée par le CCJ en 2010 [1]. Considérant les transformations du marché du travail et ses perspectives, la conciliation du travail et de la famille, et parfois même des études, est devenue une problématique de taille et représente un défi majeur pour le marché du travail et la société. Le désir de renouer avec une harmonie familiale est fort chez les jeunes, mais il reste que les différentes sphères de la vie sont aujourd’hui définitivement décloisonnées et en totale interférence. La course après le temps est centrale à une époque qui exige rapidité, performance et flexibilité. L’obligation de devoir assumer plusieurs rôles en même temps est devenue une norme sociale.

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