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Le travail atypique au Québec

Mots-clés : Emploi | Jeunes
Le travail atypique au Québec
Il y aura bientôt cinq ans qu’a été rendu public le rapport du comité d’experts sur « les besoins de protection sociale des personnes en situation de travail non traditionnelle ». Il convient de saluer l’initiative du Comité aviseur-jeunes d’Emploi-Québec de se pencher à nouveau sur la question non seulement pour en faire le rappel mais pour procéder à une mise à jour des données de base et à une actualisation des constats.

Force est de constater que l’emploi atypique occupe toujours une place importante dans le marché du travail, qu’il s’agisse de l’emploi à temps partiel ou de l’emploi occasionnel ou temporaire, de l’emploi à titre d’entrepreneurs indépendants ou d’emploi salarié par l’intermédiaire d’une agence de location de personnel.

Les emplois atypiques ne sont pas toujours synonymes de pauvreté. Néanmoins, il demeure que pour beaucoup de travailleurs, en particulier chez les jeunes et chez les femmes, ces formes emplois dits non traditionnels portent la marque de la précarité et conduisent à cet état qu’on désigne sous le vocable de travailleurs vulnérables.

Selon des études conduites par le Réseau canadien de recherche sur les politiques publiques, cette vulnérabilité se caractérise soit par l’exclusion de la protection offerte par les lois du travail lorsqu’il s’agit de travailleurs à leur propre compte ou considérés faussement comme tels, soit par la difficulté, voire l’impossibilité de faire valoir leurs droits lorsqu’ils sont salariés assujettis à la loi définissant des conditions minimales de travail, soit par leur privation d’accès à des régimes complémentaires de protection sociale tels que l’assurance maladie ou des régimes de retraite, qu’ils soient couverts ou non par une convention collective de travail. Certains n’ont pas accès à l’assurance emploi ni à la formation en cours d’emploi. Leurs chances d’avancement dans l’entreprise ou d’accès à des emplois de qualité sont très faibles sinon pratiquement nulles. Souvent, en raison de leur dispersion ou du type d‘emploi qu’ils occupent et dans l’état actuel du droit du travail, ils n’ont pas accès à la représentation collective.

Il s’agit là d’une situation de plus en plus préoccupante car, si elle conduit souvent les travailleurs à la pauvreté à court terme, elle risque de produire des effets à long terme, préjudiciables aussi bien aux entreprises qui peineront à trouver une main-d’œuvre qualifiée qu’à la société toute entière qui devra suppléer aux besoins de ces personnes exclues de larges pans de la protection sociale.

On aura constaté également que, mis à part quelques modifications apportées à la Loi sur les normes du travail en décembre 2002 de même que la mise en place, en 2006, du régime québécois d’assurance parentale, à peu rien n’a été fait aux plans législatif ou réglementaire, pour assurer une meilleure protection sociale aux personnes qui occupent des emplois dits atypiques. Rien visant à interdire aux travailleurs temporaires, salariés d’agence ou non, les travaux particulièrement dangereux ou nécessitant un suivi médical malgré les statistiques alarmantes sur l’incidence d’accidents chez les jeunes travailleurs et chez les salariés d’agence. Rien sur la disparité de traitement en fonction du statut d’emploi malgré les écarts dans les conditions de travail entre les salariés permanents à temps complet et ceux qui font le même travail à temps partiel ou comme occasionnels, syndiqués ou non. Rien pour faciliter la qualification du statut de salarié, notamment le statut de ceux qu’on considère faussement comme des travailleurs indépendants malgré le recours fréquent à ce que l’O.I.T. appelle, la relation de travail déguisée. Rien pour encadrer l’activité des agences de location de personnel, malgré les abus démontrés auxquels peuvent conduire les relations de travail triangulaires.

Évidemment, dans le contexte de la mondialisation et de la concurrence que celle-ci entraîne non seulement entre les entreprises mais entre les États, ces problèmes d’accès et de disparité ne sauraient trouver réponse facilement et en une seule fois. D’ailleurs, ces difficultés ne sont pas le propre du Canada ou du Québec, elles sont communes à tous les pays industrialisés, dont il faut noter cependant que plusieurs d’entre eux s’y sont attaqué bien avant nous. Le Parlement européen et les États membres de l’Union Européenne ont entrepris depuis une vingtaine d’années de se doter d’instruments juridiques dans le but de réduire les effets indésirables du travail atypique chez les travailleurs. De son côté, la Conférence Internationale du Travail (O.I.T.), qui en a débattu, notamment, lors de sa session de 2003 et celle de 2006, s’est montré très inquiète des difficultés soulevées à travers le monde par les diverses formes de déguisement de la relation de travail dans le but de « lui donner une apparence différente de la réalité afin d’annuler ou de dissimuler la protection offerte par la loi ».

Dans ce contexte, l’Avis du Comité aviseur-jeunes tombe à point nommé. Il interpelle tous les acteurs sociaux et les oblige à poser à nouveau la question de savoir s’il est socialement acceptable que l’accès à la protection sociale puisse varier en fonction du statut d’emploi du travailleur. Plus qu’un rappel, il constitue une invitation pressante pour que soient aménagées dès maintenant des conditions favorisant l’accès à des emplois de qualité ainsi qu’à une protection sociale adéquate à l’ensemble de personnes occupant des emplois atypiques.

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