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Stratégie nationale de l’emploi chez les jeunes : analyse des programmes et pratiques

Mots-clés : Emploi | Jeunes
Stratégie nationale de l’emploi chez les jeunes : Analyse des programmes et pratiques
Les jeunes de moins de trente ans font face à un marché de l’emploi en pleine mutation. Trois éléments de cette mutation retiennent principalement l’attention. Le premier, et peut- être présentement le plus discuté, est l’impact du déclin démographique et du vieillissement de la population sur le rapport entre l’offre d’emploi et l’offre de main-d’œuvre. Ce déclin démographique déjà amorcé semble annoncer une période plus faste pour les chercheurs d’emploi. Nous sommes en transition entre une période où la demande de main-d’œuvre était inférieure ou équivalente à l’offre et une période ou elle risque, dans certains secteurs du moins, de l’excéder. Jusqu’à maintenant, cette question a surtout été traitée sous l’angle du maintien en emploi des travailleurs âgés de plus de 45 ans.

Or, l’État québécois, le secteur privé et les acteurs liés de près ou de loin à la question de l’employabilité ont la responsabilité de faire de cette période une opportunité à saisir pour tous les jeunes.

Le deuxième élément retenant notre attention est celui de la hausse des exigences en matière de qualification sur le marché de l’emploi. Les exigences sont en hausse sur le plan de la scolarisation. En fait, l’augmentation très importante de la scolarisation au Québec dans les trente dernières années a créé une spirale inflationniste qui défavorise grandement les gens peu scolarisés. Il arrive fréquemment que les exigences des employeurs en matière de scolarité dépassent les exigences réelles de l’emploi. Par ailleurs, les exigences augmentent aussi d’une autre façon. Dans plusieurs domaines, la nature même du travail se complexifie, notamment suite à l’introduction de nouvelles technologies. Il n’est pas rare d’entendre citer l’exemple du mécanicien, dont le travail était strictement manuel à une certaine époque, alors qu’il implique maintenant une utilisation de plus en plus fréquente de l’informatique.

Au Québec, en 2003, selon l’Enquête internationale sur l’alphabétisation et les compétences des adultes, 36,1 % des jeunes de 16 à 25 ans se situaient aux deux niveaux les plus faibles en littératie et en numératie (soit sous le seuil jugé acceptable pour fonctionner adéquatement dans notre société), et 8,5 % se situaient au niveau le plus faible. Pour ces jeunes, l’augmentation des exigences en matière de compétences sur le marché du travail est encore plus dommageable qu’auparavant. La question de la formation, en particulier chez les personnes très éloignées du marché du travail, devient donc un enjeu incontournable dans une stratégie de l’emploi.

Ainsi, peu importe le nombre d’emplois disponibles, des jeunes continuent d’être dans l’impossibilité de s’insérer sur le marché du travail. On pense généralement aux jeunes entre 16 et 30 ans peu scolarisés ou possédant de faibles compétences en littératie et en numératie. On peut aussi inclure dans ce groupe les jeunes en difficultés, les jeunes d’origine ethnique ou culturelle différente, les jeunes maîtrisant mal le français et / ou l’anglais, les jeunes handicapés, les jeunes ayant des problèmes de santé physique ou mentale et les jeunes mère monoparentales.

Le troisième élément contextuel qui frappe concerne la nature des emplois des jeunes. Car ce n’est pas tout de dire qu’il y aura plus d’emplois pour les jeunes dans les années à venir. Encore faut-il savoir de quels types d’emplois il est question. Une récente étude réalisée pour le compte du CAJ démontre bien que les jeunes de moins de 25 ans sont sur- représentés dans les secteurs les moins payants et que les emplois qui leur sont offerts sont souvent de piètre qualité. Se situant très fréquemment dans le domaine des services, ce sont des emplois non-spécialisés, peu rémunérés, trop souvent à temps partiel. On voit alors se décupler les formes de travail atypique, le cumul d’emplois à temps partiel (involontaires), le travail autonome, etc. Il ne faut pas se contenter d’ouvrir le marché de l’emploi aux jeunes, il faut s’assurer que celui-ci ait des emplois intéressants à leur offrir ; des emplois porteur d’avenir pour eux, incluant des chances de progression, une certaine sécurité d’emploi, une rémunération intéressante.

Élaborer une stratégie nationale de l’emploi pour les jeunes implique, dans un premier temps, de procéder à l’analyse des programmes existants. Cela se fera ici dans le souci d’atteindre les deux objectifs principaux qu’une telle politique devrait poursuivre, soit l’insertion professionnelle des jeunes et le maintien et la progression en emploi des jeunes travailleurs.

Afin que tous les jeunes de moins de trente ans puissent bénéficier des avantages du nouveau contexte, les politiques gouvernementales en matière de formation et d’emploi doivent avoir comme objectif premier de ne plus « échapper » de jeunes entre la formation initiale et l’accès à l’emploi. En particulier, cela suppose d’élaborer des programmes s’adressant aux jeunes qui sont éloignés ou très éloignés du marché du travail, plutôt que de se concentrer seulement sur ceux qui sont relativement près d’y accéder. Dans une telle approche, la continuité de services et la capacité d’agir sur plusieurs facteurs en même temps de façon concertée devient essentielle.

Par ailleurs, une telle politique se doit de favoriser le maintien et la progression des jeunes en emploi. Elle doit donc agir sur ce qui peut nuire aux jeunes dans le cadre de leur travail en leur permettant de développer leurs compétences, en facilitant la conciliation travail- famille, en prévenant des problèmes d’insertion nés de différences physique ou culturelle, etc.

L’analyse de programmes qui suit repose sur une vision du lien entre l’individu et l’emploi partageant la responsabilité de s’insérer sur le marché du travail entre l’individu et la collectivité, représentée globalement ici par l’État, les employeurs et les différents acteurs communautaires du domaine de l’employabilité. Cette vision a comme avantage de renverser une perspective très répandue en Amérique du Nord, laquelle fait reposer la totalité de cette responsabilité sur les épaules de l’individu. Notre perspective prend comme base le droit au travail. Si la personne doit, bien entendu, se montrer disponible et motivée, le marché de l’emploi doit lui permettre de s’y insérer. C’est la vision soutenant les politiques d’activation des mesures des services de l’emploi dans les pays du nord de l’Europe, notamment le Danemark. C’est aussi, souvent, la vision de ceux préconisant l’utilisation du taux de chômage comme indice des difficultés d’un groupe de population par rapport au marché du travail : « Parce qu’il peut être considéré comme la mesure de l’exclusion, “l’inefficacité du marché du travail” face à un groupe, ici les jeunes. Le chômage regroupe les individus faisant partie de la population active qui se cherchent un emploi sans s’en trouver » (Chassin, 2005, p. 33).

Appliquée à une stratégie de l’emploi, cette idée implique aussi de considérer la gestion de la main-d’œuvre comme une question sociale plutôt qu’exclusivement individuelle. Une stratégie efficace doit agir à la fois sur l’individu et sur la collectivité. Le renversement de la dynamique du marché de l’emploi (pénurie de main-d’œuvre appréhendée) invite à ce renversement de perspective et donne l’occasion d’agir en ce sens. Il faut donner la chance à chacun de s’insérer dans le marché de l’emploi selon ses capacités.

Notre analyse est scindée en trois partie, soit la formation, l’insertion professionnelle et le maintien en emploi. Dans chaque cas, nous tenterons de cerner le rôle joué par Emploi- Québec, les objectifs que réussissent à atteindre les programmes dans chacun de ces trois secteurs de l’emploi et les besoins qui subsistent.

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